Bien-être au travail : les entreprises parviendront-elles à dépasser les démarches « gadget » ?

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    Du 13 au 17 juin 2016 se tenait la Semaine pour la qualité de vie au travail. L’occasion pour les entreprises de nous faire part de leurs dernières innovations : cours de yoga, séances de méditation, distribution de fruits, salles de sieste, etc. Les organisations rivalisent d’ingéniosité pour favoriser le bien-être de leurs collaborateurs.

    L’entreprise veut que ses salariés se sentent bien, voire veut leur bonheur, en nommant des « chief happiness officer », comme l’ont fait en France la startup de la finance Payname ou d’autres entreprises, notamment dans le secteur des nouvelles technologies.

    Egalement symbole de cette quête du bien-être et du bonheur au travail, les entreprises se livrent concurrence pour montrer qu’elles sont celles où les salariés seront les plus heureux, avec des classements tels que le « Great Place to Work ».

    Ces initiatives peuvent prêter à sourire, et invitent parfois à s’interroger sur leur pertinence. Si l’on parle beaucoup de greenwashing, ne peut-on pas également s’interroger sur un risque de social washing ? Autrement dit, les quelques initiatives sociales mises en avant dans la communication de certaines entreprises ne cachent elles pas des pratiques générales discutables voire nocives sur le plan humain ?

    Cela serait d’autant plus préoccupant que ce sujet du bien-être répond à des préoccupations importantes. Depuis quelques années, les entreprises et leur dirigeants doivent en effet répondre de risques nouveaux, les risques psychosociaux, dont les conséquences peuvent aller, dans les cas les plus extrêmes, jusqu’au burn-out ou au suicide.

    Par ailleurs, les coûts que représente l’absentéisme sont considérables, non seulement pour les organisations mais également pour la collectivité. Depuis quatre ans, l’assureur en santé et prévoyance Malakoff Médéric conduit une étude sur l’absentéisme maladie dans le secteur privé. Cette analyse, qui porte sur plus de 3 millions de salariés, a notamment montré en 2015 que près d’un tiers des salariés avaient été absents au moins une fois dans l’année, pour des périodes dont la durée s’allonge (avec une moyenne de 18 jours par absence).

    Autre enjeu et non des moindres, même en période de difficultés économiques, celui de l’attraction et de la rétention des salariés. Dans un marché du travail en évolution accélérée, on nous annonce en effet que la course pour faire venir les meilleurs profils va aller en s’accentuant au cours des dix prochaines années. Dans certains secteurs, notamment les nouvelles technologies, les entreprises vont devoir se livrer une véritable guerre des talents.

    Enfin, même lorsque non convaincues par ces enjeux, les entreprises se voient contraintes de se saisir du sujet par la réglementation. La loi a en effet intégré la qualité de vie au travail (QVT) dans les négociations annuelles obligatoires, d’abord à travers l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013. La qualité de vie au travail y est définie comme « un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d'implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué ». La loi Rebsamen du 17 août 2015 a renforcé l’accord de 2013 en exigent des entreprises, à compter du 1er janvier 2016, l’organisation d’une négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle hommes/femmes et la qualité de vie au travail.

    Or, les initiatives précédemment citées, aussi intéressantes soient-elles, semblent avant tout traiter les symptômes. On attendrait des organisations qu’elles agissent en premier lieu sur les causes conduisant entre autre à un turnover excessif et à l’absentéisme, en particulier sur le stress au travail, qui comme l’ont montré certains chercheurs n’est pas nécessairement une garantie de performance[1].  

    Pour mesurer le niveau de prise en compte du sujet, les questions suivantes pourront être posées à un dirigeant d’entreprise ou à une Direction des Ressources Humaines : les objectifs donnés aux salariés les incitent ils à travailler de façon collaborative ? Comment vous assurez vous que ces objectifs sont atteignables ? De quelle façon les équipes sont-elles accompagnées lors de changements ? Au-delà du salaire, les collaborateurs savent-ils pourquoi ils travaillent ? Etc.

    A l’heure où les salariés n’hésitent pas à faire part de leur avis sur les réseaux sociaux (un site tel que Glassdoor déclare détenir plus de 8 millions d’avis issus des employés eux-mêmes), les entreprises qui mettront en place de véritables dispositifs pour favoriser le bien-être sauront à la fois réduire les risques et se rendre attractives. A l’inverse, celles qui seraient prises en flagrant délit de « social washing » risquent de décevoir encore plus des salariés à qui on avait promis monts et merveilles.

     

    Aurélie Verronneau, Fleur Masterman

    Aurélie Verronneau et Fleur Masterman sont consultantes chez EthiFinance, partenaire du Cercle des analystes indépendants. Le Cercle des analystes indépendants est une association constituée entre une douzaine de bureaux indépendants à l'initiative de Valquant, la société d’analyse financière présidée par Eric Galiègue, pour promouvoir l'analyse indépendante

     

     

    Pour en savoir plus sur le bien-être au travail, rendez-vous sur: http://www.boursorama.com/actualites/bien-etre-au-travail-les-entreprise...